Le fichier EDVIGE prévoit la collecte d’informations à caractères personnels sur des mineurs d’au moins 13 ans « susceptibles » d’infractions ainsi que sur les responsables politiques et syndicaux (numéro de téléphone, Etat civil, adresse électronique etc.). Ces informations concerneraient « les individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public » Ce projet a lancé un vif débat, tant dans l’opposition qu’au sein de la majorité du gouvernement et de nombreux recours en Conseil d’Etat ont été déposés. Certaines personnalités politiques parlent de projet anti démocratique ou encore d’atteintes aux droits de l’Homme et invitent à un rejet du projet.
La création de fichier, et les réactions qu’il suscite, ne font que refléter une question classique du droit pénal, qui est celle de l’équilibre entre un système préventif et un système répressif. Elle prend ici un relief particulier dans la mesure où cette interrogation, déjà délicate à la base, concerne les mineurs. D’un côté on reproche la répression pénale des mineurs et de l’autre on refuse une prévention de ces derniers. Pourtant, la délinquance chez les mineurs, y compris chez les plus jeunes, augmente fortement. Dans une telle situation, il parait évident qu’un système préventif semble être le plus adéquat pour résoudre ce problème. En effet, on voit mal des enfants de 13 ans partir dans des maisons d’arrêts déjà pleines.
Reste la question de l’utilité des renseignements et des informations qui seront collectées. Sont-elles absolument toutes nécessaires à la réalisation de la prévention de l’infraction? Il existe déjà plusieurs systèmes de collecte d’information comme les RG, le STIC de la police ou le FIJAIS en matière sexuelle. Le fichier EDVIGE ne ferait finalement que centraliser toutes ces informations mais avant la réalisation de l’infraction. Existe-t-il réellement une atteinte à une Liberté Fondamentale ou à un Droit fondamental ? Le projet peut parfaitement s’interpréter comme une atteinte à la présomption d’innocence : être fiché sans avoir commis d’infraction ne semble pas s’accorder avec la définition de ce principe fondamental. Mais pour autant, est-ce que surveiller, ficher, serait synonyme d’accuser ? Après tout on ne porte pas d’atteinte à la présomption d’innocence lorsqu’une personne est considérée comme suspecte lors d’une instruction judiciaire.
Finalement, les vrais risques pouvant émaner d’un tel projet seraient les dérives que celui-ci pourrait connaitre dans la pratique : les critères pour désigner les personnes soumises à ce système doivent être suffisamment précis juridiquement, notamment la notion de « susceptible de porter atteinte à l’ordre public ». Charles CAZALS