Les débats reprennent cette semaine sur le projet de loi « protection de la création sur internet », plus connu sous le nom de loi HADOPI, trois semaines après le rejet surprise du texte le 9 avril dernier.
Ce texte vise à enrayer le téléchargement illégal d’œuvres musicales ou cinématographiques, en instituant un mécanisme de « riposte graduée » : en cas de téléchargement illégal, l’internaute sera rappelé à l’ordre, d’abord par l’envoi de mails d’avertissement puis, en cas de récidive, d’une lettre recommandée, et enfin par la suspension, voire la résiliation de son abonnement Internet, le tout sous la houlette de la Haute Autorité Administrative créée à cette fin.
Le texte fait l’objet d’une vive polémique notamment au sujet de la mesure de suspension de l’accès à internet. Les opposants au projet jugent cette mesure disproportionnée à l’objectif poursuivi et s’appuient d’ailleurs sur une résolution votée le 10 avril dernier par le Parlement Européen qui « invite les Etats membres à éviter de prendre des mesures qui entrent en contradiction avec les libertés civiques et les droits de l’Homme(…) telles que l’interruption de l’accès à l’Internet. »
Autre point de discorde, la future loi va donner à la « HADOPI », autorité purement administrative, des pouvoirs judiciaires pour sanctionner les internautes, alors que constitutionnellement, l‘autorité judiciaire est la seule apte à instruire et juger en matière pénale !
Les députés vont cette semaine examiner d’abord le texte et éventuellement l’amender avant qu’il ne soit transmis au Sénat. Si les sénateurs veulent apporter des modifications, tout ce qui n’aura pas été voté conforme reviendra à l’Assemblée nationale qui se prononcera en dernier ressort. Les députés sont donc en position de force car ce sont eux qui auront le dernier mot.
Cependant eu égard aux tensions que le texte suscite, et au risque qu’il soit à nouveau rejeté, le doute circule dans les couloirs de l’hémicycle : le gouvernement envisage-t-il d’utiliser la procédure de vote bloqué de l’article 44 al3 de la Constitution ?
On s’étonne en effet que le Président de la République ait annoncé l’adoption définitive de la loi HADOPI pour le 14 mai alors que c’est à l’Assemblée de fixer son ordre du jour…
Cette procédure lui permettrait de faire voter d’un coup tout ou partie du texte, avec des amendements triés sur le volet…Il y a fort à parier néanmoins que telle ne sera pas la stratégie adoptée par le gouvernement qui a tout intérêt, à l’heure actuelle, à éviter les crispations et à ménager l’opinion publique.
Marion DESEILLE
Juriste