La loi adoptée par le législateur le 23 juin 2006 et entrée en vigueur le 1er janvier de cette année, a pour objet de sauvegarder la continuité de l’activité d’une entreprise à la suite du décès de l’entrepreneur. Jusqu’à cette loi, aucune disposition spéciale n’organisait la transmission d’une entreprise par son dirigeant si bien que ce dernier ne disposait que de mesures tirées du droit des successions mal adaptées à l’opération en cause et n’assurant à l’entreprise qu’un avenir incertain.

Le mandat posthume permet désormais à un chef d’entreprise de désigner de son vivant une personne de confiance susceptible d’assurer la gestion de son entreprise pendant une durée déterminée, à la suite du décès de celui-ci. Ce procédé  reprend par certains aspects le principe de la fiducie présent chez nos voisins suisses ou allemands et du trust existant en droit anglo-saxon, dans le sens où il a pour effet de confier les pouvoirs de gestion des biens en cause au mandataire pour une durée déterminée, « pour le compte et dans l’intérêt » des héritiers, ces derniers s’en trouvant privés par conséquent, alors qu’ils en restent propriétaire. Les héritiers sont privés de leur pouvoir d’administration du bien, par contre, ils en conservent le pouvoir de disposition. Cependant, le mandataire n’acquiert pas pour autant la propriété du bien.

Il s’apparente donc à un moyen, destiné à favoriser la transmission de l’entreprise reposant sur un mécanisme ayant pour but d’assurer une transition dans la gestion de l’entreprise à la suite du décès de l’entrepreneur.

1. Le mandat à effet posthume, une adaptation pour la transmission d’entreprise.
 Le mandat à effet posthume est soumis au même régime que le mandat de droit commun en dehors des dispositions le concernant qui sont incompatibles avec celui-ci, comme le précise l’article 812-1-4 du Code civil. Les changements concernent principalement les conditions de forme, la durée, et le pouvoir du mandataire, ainsi que la manière dont le mandat posthume est consenti. En effet, ce dernier est consenti par le de cujus, qui désigne le mandataire, chargé de la gestion des biens en cause, à la suite de son décès, pour le compte des héritiers.
Le législateur a pris soin de donner une définition du mandat à effet posthume ce qui permet d’en faire ressortir ses caractéristiques essentielles.

A/ Définition

La définition du « mandat à effet posthume » figure dans l’article 812 du code civil qui dispose : « Toute personne peut donner à une ou plusieurs autres personnes, physiques ou morales, mandat d’administrer ou de gérer, sous réserve des pouvoirs confiés à l’exécuteur testamentaire, tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l’intérêt d’un ou de plusieurs héritiers identifiés.
   Le mandataire peut être un héritier.
   Il doit jouir de la pleine capacité civile et ne pas être frappé d’une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral.
   Le mandataire ne peut être le notaire chargé du règlement de la succession. »

Il ressort de cette disposition que la personne du mandataire n’a pas à avoir de qualité particulière. Ainsi toute personne, qu’elle soit physique ou morale, disposant de sa pleine capacité civile, est susceptible d’être nommée en qualité de mandataire. Elle aura la mission de gérer les biens concernés par le mandat, pour le compte des héritiers du mandant. Cependant, deux exceptions sont à souligner ici, le notaire chargé de la succession ne peut être désigné comme mandataire, ainsi que toute personne frappée d’une incapacité de gérer, si le mandat porte sur la gestion de biens professionnels.

B/ Les caractéristiques du mandat posthume

Le mandat à effet posthume doit être justifié par « un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l’héritier ou du patrimoine successoral » (article 812-1-1 al 1er C.civ). Il doit ainsi désigner précisément le ou les héritiers  pour le compte de qui il a été mis en oeuvre et cette décision doit faire l’objet d’une motivation, par conséquent, il doit être possible de trouver une raison justifiant la mise en place d’un mandat posthume afin que celui-ci ne soit pas considéré comme nul. Cependant, cette notion est  susceptible d’être à l’origine de litiges du fait de son imprécision quant à apprécier l’utilité et les motifs justifiant l’existence d’un mandat dans un certain nombre de situations. Une telle incertitude concernant la validité du mandat posthume nécessitera un contrôle judiciaire rigoureux.

La personne désirant que ses biens, après sa mort, soient gérés par un mandataire, dite le « de cujus », peut selon les termes de la loi, décider de confier la gestion de « tout ou partie de sa succession » (art 812 al.1 C.civ), sans tenir compte de la réserve, traditionnellement réservée aux héritiers, ainsi, elle n’est pas limitée par la quotité disponible. Cependant, dans ce cadre, il convient de rappeler qu’elle est tenue de justifier le mandat par un « intérêt sérieux et légitime », ce qui pourrait s’apparenter à une limite donnée au de cujus.

Le mandataire, qui travaille pour le compte des héritiers, n’a pas la propriété des biens qu’il gère et ne peut, de ce fait, prendre des actes de dispositions les concernant, il ne peut passer que des actes d’administration relatif à la gestion des biens en cause. Par conséquent, le mandat à effet posthume a seulement pour effet de priver les héritiers pour une durée déterminée, de la gestion de tout ou partie des biens issus du patrimoine du de cujus, y compris ceux inclus dans la réserve.

Le fait que le mandat à effet posthume puisse ne pas se limiter à la gestion d’une partie bien déterminée du patrimoine successoral, justifie la mise en œuvre de conditions de forme, figurant à l’article 812-1-1 alinéa 3 du Code civil, beaucoup plus exigeantes, que dans le cadre d’un mandat au sens de l’article 1984 du Code civil. Ainsi, le mandat à effet posthume doit être donné par acte authentique, sous peine de nullité, ce qui permet de se prémunir de tout litige à la suite du décès du de cujus. De plus, l’article 812-1-1 alinéa 4 précise qu’il doit avoir été accepté avant le décès du mandant de cujus, ceci afin de s’assurer que le mandataire est prêt à assumer la mission qui lui est dévolue, au titre du mandat posthume.

Une question peut se poser de savoir quel est le régime fiscal applicable à la succession faisant l’objet d’un mandat posthume. Le législateur ne fait référence à l’impôt que de manière très indirecte. Face à une telle carence, ce sera donc à la doctrine administrative de se prononcer en ce domaine, ce qui rendra les décisions inopposables aux contribuables.

Le mandat posthume fait partie des quatre mécanismes permettant d’assurer, à la suite du décès du chef d’entreprise, la gestion des biens indivis.

Il convient donc, dans le cadre de l’étude du régime fiscal applicable au mandat à effet posthume, d’appliquer le régime fiscal de l’indivision. Il est à noter que ce type de mandat permettra certainement une meilleure gestion des entreprises indivises.

Les copropriétaires indivis d’une entreprise individuelle sont considérés comme coexploitants au regard de la loi fiscale. C’est-à-dire que s’ils ne participent pas à l’activité de l’entreprise, ils seront imposés de la même manière que les professionnels sans pouvoir bénéficier des avantages de ceux-ci. Dès lors qu’une partie des bénéfices de la société est mise à sa disposition, le copropriétaire indivis quasi-professionnel est assujetti au titre de ces bénéfices à l’impôt sur le revenu dans la catégorie d’imposition qui correspond à l’activité de l’entreprise indivise. Cependant, à la différence des professionnels, les quasi-professionnels ne peuvent imputer sur leur revenu brut global les déficits qu’ils subissent (ces déficits ne sont imputables que sur les bénéfices non-commerciaux des 6 années suivantes) ; et si les plus-values dégagées de la cession de parts de l’entreprise indivise entrent dans le régime des plus-values professionnelles, le régime fiscal favorables octroyé aux « petites entreprises » en matière de plus-values n’est applicable que si le cédant exerce son activité à titre professionnel. Enfin, en matière d’ISF, les biens dépendant de l’entreprises ne sont considérés comme biens professionnels exonérés que s’ils sont affectés à une activité exercée à titre professionnelle.

 Cependant, l’indivision est un mécanisme maladroit de règlement des successions, et d’avoir ainsi à se reporter à ce régime risque de fragiliser la transmission de l’entreprise par le biais d’un mandat posthume

Ces développements conduisent à s’intéresser au fonctionnement du mandat posthume qui marque une période de transition dans la gestion de l’entreprise.

2. Le mandat à effet posthume, un mécanisme transitoire pour la gestion de l’entreprise
 
Le mandat posthume est, à la différence du mandat de droit commun, limité dans sa durée selon les dispositions légales. Comme il figure à l’article 812-1-1 alinéa 2, il est consenti pour une durée maximale de deux ans, prorogeable à la demande des héritiers ou du mandataire lui-même, qui, pour cela, doivent saisir le juge. Cependant le législateur a prévu, qu’« en raison de l’inaptitude, de l’âge du ou des héritiers, ou de la nécessité de gérer des biens professionnels », il pouvait être donné pour une durée de cinq ans, prorogeable de la même manière. Ainsi, le mandat apparaît comme une mesure transitoire, destinée à assurer la continuité dans la gestion des affaires du de cujus. Il ne prend effet qu’au décès du mandant de cujus.

La mission du mandataire commence au décès du mandant, elle est strictement réglementée et limitée dans le temps.

A/ L’exercice de ses pouvoirs par le mandataire

Par le mandat posthume, le mandataire est chargé d’assurer la gestion des biens pris en compte dans le mandat. Cependant, comme le précise l’article 812-1-3 du Code civil, « Tant qu’aucun héritier visé par le mandat n’a accepté la succession, le mandataire ne dispose que des pouvoirs reconnus au successible à l’article 784 ». Autrement dit, tant que l’acceptation de la succession par les héritiers n’a pas été effectuée, les pouvoirs du mandataire sont limités à l’accomplissement d’actes conservatoires, de surveillance et d’administration provisoire, ainsi, les actes nécessaires à la préservation du patrimoine successoral et les opérations courantes afin d’assurer la continuation de l’activité de l’entreprise à court terme ou le bon fonctionnement de l’entreprise (art 784 du Code civil). Ce n’est donc qu’à partir du moment où les héritiers ont accepté la succession, que le mandataire peut mettre en œuvre ses pouvoirs de gestion et d’administration des biens en cause dans le mandat posthume et ceci, pour le compte et dans l’intérêt des héritiers désignés. Une précision est à apporter sur ce point : si un exécuteur testamentaire a également été désigné dans le cadre de la succession , le mandataire est tenu d’exercer ses pouvoirs sous réserve des pouvoirs confiés à l’exécuteur testamentaire (art. 812 al.1 C.civ).

En principe, le mandataire exerce sa mission de gestion gratuitement, cependant, comme le prévoit l’article 812-2 du code civil, ce dernier a la possibilité d’être rémunéré. Pour cela, il doit figurer une mention expresse au mandat déterminant le montant de la rémunération, qui correspond en principe à une part déterminée en fonction des revenus perçus du fait de la gestion ou de l’administration faite par le mandataire sur la succession. En cas d’absence ou d’insuffisance de revenus en découlant, elle peut provenir ou être complétée par un capital. Cependant, les héritiers désignés par le mandat ont la possibilité, selon l’article 812-3 du Code civil, de demander en justice la révision de la rémunération si celle-ci est excessive au regard de la durée ou de la charge résultant du mandat.

B/ Les effets dans le temps du mandat posthume

Durant toute la durée du mandat et à sa fin, le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion aux héritiers désignés ou à leur représentant et de les informer sur l’ensemble des actes accomplis. Tout manquement à cette obligation peut être sanctionnée par la révocation du mandataire, cette dernière est alors demandée par tout intéressé. En cas de décès du mandataire, cette obligation incombe aux héritiers (art. 812-7 C.civ.).

La cessation du mandat peut intervenir de sept manières, énoncées à l’article 812-4 du Code civil :

         L’arrivée du terme prévu par le mandat, obligeant ainsi le mandataire à rendre compte de la gestion aux héritiers.

         La renonciation du mandataire, régie par l’article 812-6 du Code civil, ce dernier étant tenue de notifier sa décision aux héritiers intéressés ou à leurs représentants, celle-ci ne pourra alors prendre effet qu’à la suite d’un délai de trois mois à compter de la notification et peut avoir pour conséquence d’obliger le mandataire à restituer les sommes perçues.

         La révocation judiciaire demandée par un héritier intéressé ou son représentant peut intervenir dans deux cas ; en cas d’absence ou de disparition de l’intérêt sérieux et légitime, ce qui,sauf si elles sont excessives, ne donne pas lieu à restitution de sommes perçues au titre de sa rémunération par le mandataire; ou en cas de mauvaise exécution de sa mission qui peut donner lieu à restitution de tout ou partie de sa rémunération par le mandataire, sans qu’il ait pour autant à verser des dommages et intérêts (art. 812-5 C.civ.).

         La conclusion d’un mandat conventionnel entre les héritiers et le mandataire titulaire d’un mandat à effet posthume.

         L’aliénation par les héritiers des biens mentionnés dans le mandat.

         Le décès ou la mise sous mesure de protection du mandataire personne physique, ou la dissolution du mandataire personne morale.

         Le décès de  l’héritier intéressé ou, en cas de mesure de protection, la décision du juge des tutelles de mettre fin au mandat.

Le mandat posthume est une véritable innovation dans le droit des successions, permettant au chef d’entreprise de maîtriser la transmission et la continuité de son affaire, et d’éviter ainsi à des héritiers non préparés une gestion difficile. Il sera intéressant maintenant de voir comment cette réforme va évoluer dans la pratique, notamment sous l’impulsion de la jurisprudence.

Cécile Besson

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