Il est touchant pour un juriste de voir qu’un plaideur peut dicter une loi au pouvoir législatif… Bien souvent, après un revirement de jurisprudence inattendu, un « arrêt de provocation », dit-on. C’est le cas en ce moment : le Parlement traite de la responsabilité du fait des choses lors d’évènements sportifs.
Depuis 35 ans, le régime général de la responsabilité du fait des choses ne connaissait qu’une seule exonération (en dehors de la force majeure et du cas fortuit) : l’acceptation des risques chez les sportifs. Typiquement, on considérait que le coureur automobile, lorsqu’il participait à une épreuve, acceptait les risques inhérents à la pratique de sa passion. S’il était blessé, il ne pouvait pas mettre en jeu la responsabilité du préparateur de bolides au titre de l’art. 1384 al.1 du CCiv.
La jurisprudence était stable. Mais un arrêt (CCass, Civ 2ème, 4 novembre 2010) a fait voler en éclat l’équilibre économique trouvé par le milieu sportif. En affirmant dans un attendu de principe que la responsabilité du fait des choses pouvait être invoquée « sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques », la cour prend tout le monde à contre-pied. Et notamment les écuries qui comprennent immédiatement qu’elles vont devoir prendre une assurance de plus. Et vu la récurrence des accidents, la facture risquait d’être salée. Allaient-ils être obligés de quitter le territoire français pour échapper à cette nouvelle charge ?
Le législateur est arrivé avec la ferme intention de remédier à la situation ! Une proposition de loi a donc été adoptée en première lecture par les deux assemblées pour revenir sur la jurisprudence… Du moins en partie. Car le texte, même s’il n’est pas encore définitif, s’oriente vers une exonération de responsabilité du fait des choses pour les dommages « matériels ». Concrètement, le nouvel article L. 321-3-1 du Code du Sport tendrait à diminuer les risques d’actions tout azimut, réservant une possibilité d’agir quand le dommage concerne la santé… et peut-être même l’environnement.
Cette loi se comprend en termes d’équité sociale. Sous l’empire de la jurisprudence classique, l’exonération de responsabilité avait pour effet de ne laisser les frais de santé à la seule charge de la victime, et au final à la sécurité social. A présent, la CPAM pourra se retourner contre l’écurie ou le sportif qui avait la garde du bolide. Et ce sera à l’assurance de payer.
Et tout cela grâce à un avocat et son client qui ont décidé de se pourvoir en cassation. Une décision qui confine au pari. Rien ne devrait les inciter à aller plus loin dans la procédure, et pourtant, ils y sont allés. L’avocat dont le rôle est celui d’un technicien du droit, se retrouve pour une fois créateur de droit.