Hier, les banques chypriotes ont rouvert et contre toute attente, après 12 jours de fermeture, le bank run n’a pas eu lieu. L’effet de panique ne s’est pas produit, les groupes de personnes venus récupérer leur argent au guichet n’étaient pas aussi importants que prévu. Effectivement, le nombre d’habitants devant les banques jeudi matin à 11 heures ne dépassait pas la vingtaine de personnes.
Le gouvernement de l’Ile a adopté un décret ministériel d’une validité de quatre jours visant à plafonner le montant des retraits à 300 euros par personne et par jour. Avant la prise de ce décret, les deux banques les plus touchées par les restructurations du secteur bancaire qui sont la Bank of Cyprus et Laiki permettaient de retirer au maximum respectivement uniquement 120 et 100 euros par jour. Les mesures prises ne s’arrêtent pas aux retraits, elles touchent aussi par exemple les virements vers l’étranger et l’encaissement en liquide des chèques.
Ces mesures sont extraordinaires, puisqu’il s’agit d’empêcher la population d’avoir accès librement à son propre argent et ainsi de pouvoir en disposer à sa convenance. Ce genre de disposition n’a été mise en œuvre qu’une seule fois en Argentine lors de la crise économique de 2001 qui avait abouti au plus gros défaut de paiement de l’Histoire.
Pour le gouvernement, ces mesures sont justifiées par le fait qu’il y ait un « manque de liquidités conséquentes et le risque important de fuite des dépôts avec pour résultat possible l’effondrement des institutions de crédit » ce qui aurait pour conséquence une réaction en chaîne sur l’économie de l’Ile. Elles devraient s’appliquer à l’ensemble des établissements bancaires de Chypre mais avec une marge de manœuvre plus élevée pour les institutions se portant bien et ainsi éviter des conséquences trop importantes sur le commerce.
Les déboires que subit actuellement Chypre sont peut être en partie dus à sa situation particulière. En effet, le territoire de Chypre est découpé en trois zones, 50% étant la République de Chypre reconnue au niveau international comme faisant partie de l’Union Européenne, 40% étant occupé par l’armée turque et qui s’est autoproclamée République turque de Chypre du Nord. Les 10% restant sont occupés par l’armée britannique, cette zone est appelée la ligne anglaise. Cette configuration atypique de l’Ile n’est donc certainement pas sans conséquence sur les incidents bancaires du moment.
L’Institut de la finance internationale (IIF) a mis en garde contre une « réelle possibilité » de voir Chypre sortir de la zone euro. En effet, malgré le sauvetage financier mis en place, Chypre n’est toujours pas sorti d’affaire. Selon Philip Suttle, chef économiste de l’organisation, « la seule issue serait une dévaluation », chose bien étendue impossible avec la monnaie unique. L’IIF est particulièrement inquiet des répercussions de ce plan de sauvetage sur l’ensemble des établissements financiers des pays en difficulté comme l’Espagne, le Portugal.
Audrey OLLIVRY
Ecrit le 29/03/2013