« L’héritage le plus sûr est celui des vertus »
Proverbes et sentences chinoise (1873)
Vous découvrez en tant qu’unique héritier, à l’ouverture de la succession que le défunt a fait part de sa volonté de délivrer un legs à une fondation non encore créée et située dans un État étranger. Une telle volonté est-elle légale ? Telle est la question à laquelle a dû répondre la 1ère chambre civile de la Cour de cassation par un arrêt du 15 avril 2015.
En l’espèce, l’arrêt précise que le défunt avait rédigé un testament authentique deux ans avant son décès, par lequel il instituait un légataire universel et nommait un exécuteur testamentaire. Le légataire universel était une fondation à créer après sa mort. L’exécuteur testamentaire a alors procédé à la constitution de l’établissement quelques mois après le décès, et le legs a été délivré par arrêté ministériel (Cet arrêté n’est plus nécessaire aujourd’hui, le Code civil prévoyant désormais que les établissements ou les États étrangers peuvent librement accepter les legs). L’unique héritière du défunt a alors saisi les tribunaux en vue de demander l’annulation du legs.
Plusieurs problématiques mêlant droit français et droit international se sont alors posées aux juges. Tout d’abord, les juges ont déjà admis que la loi française régissait cette succession, car le dernier domicile du défunt était situé en France. À noter que ce principe ne sera plus applicable à partir de l’entrée en vigueur du règlement européen le 17 août 2015, au profit de la règle de l’application de la loi de l’État où le défunt avait sa résidence habituelle.
Le droit français prévoit la possibilité d’effectuer un legs à une fondation non encore créée au jour du décès, dans la mesure où celle-ci doit obtenir la reconnaissance d’utilité publique dans l’année suivant l’ouverture de la succession, lui conférant ainsi une personnalité juridique rétroactive.
En l’espèce, la Cour de cassation a donc dû répondre à la question suivante : une fondation étrangère peut-elle bénéficier d’un legs successoral, sans obtenir la reconnaissance d’utilité publique en France ?
La Cour d’appel de Paris, dont le raisonnement a été confirmé par la Cour de cassation, a considéré que la condition de reconnaissance d’utilité publique ne pouvait s’appliquer à une fondation étrangère. Il convenait seulement de rechercher si elle était bien dotée de la personnalité juridique selon la loi de son siège social. En l’occurrence, tel était le cas avec son inscription au registre du commerce de Genève.
La Cour de cassation a donc confirmé que la fondation ayant acquis la personnalité juridique, était apte à recevoir le legs successoral, et a donc rejeté la demande en nullité du legs de l’héritière.
Amélie JOURDAN, Juriste
Source : www.legifrance.gouv.fr : Cass., civ. 1ère, 15 avr. 2015, n°14-10661