« Être sain d’esprit », telle est la condition sine qua non pour consentir une libéralité … En effet le non-respect de cette obligation légale entrainera la nullité de la gratification effectuée. Il en résulte que si vous souhaitez contester un testament il conviendra de démontrer que le testateur n’était pas en pleine possession de ses facultés mentales lors de la rédaction. Par deux arrêts rendus le 8 juillet 2015, la Cour de cassation a apporté des précisions sur l’identité des personnes ayant qualité à agir pour demander l’annulation d’un testament sur le fondement de l’insanité d’esprit.
Dans la première affaire, les faits étaient les suivants : Par acte authentique (fin 2007), une personne a donné à sa fille la nue-propriété des parts d’une société civile immobilière, avec réserve d’usufruit à son profit. Puis, après son décès, l’usufruit reviendrait à une autre personne précédemment instituée comme légataire dans un testament olographe de 2003. Quelques mois plus tard, le donataire est décédé en laissant sa fille pour lui succéder. Invoquant le testament par lequel le défunt lui avait notamment consenti une rente viagère mensuelle de plus de 4 500 euros à prélever sur les revenus de la SCI, le légataire a assigné la fille en délivrance de son legs.
Dans un arrêt du 7 avril 2014, la Cour d’appel d’Orléans a rejeté la demande du légataire. Les juges orléanais ont considéré qu’au regard de la correspondance échangée entre le défunt et son notaire, la volonté du défunt a été de constituer au profit du légataire une rente d’environ 60 000 euros par an. De sorte que le défunt souhaitait remplacer le mécanisme du testament par celui de la donation (lequel étant plus avantageux fiscalement). Le cumul des deux mécanismes étant a priori non souhaité, car il aboutirait à un résultat incompatible avec la volonté du défunt dans la mesure où il dépasserait de très loin la constitution d’une rente de 60 000 euros annuelle et laisserait des incidences fiscales non désirées.
La Cour d’appel a notamment considéré que l’absence de révocation expresse du testament résulte, soit d’une omission dans l’acte de donation, soit de la volonté de procéder à cette révocation par acte séparé (le décès étant survenu quelques jours à peine après l’établissement de l’acte de donation). En d’autres termes, la donation a nécessairement entraîné la révocation des dispositions relatives au legs de la rente mensuelle de plus 4 500 euros, incompatibles avec la constitution d’une réserve d’usufruit.
La Cour de cassation a cassé cette décision en considérant que la révocation tacite d’un testament ne peut résulter que de la rédaction d’un nouveau testament incompatible, de l’aliénation de la chose léguée ou de la destruction ou de l’altération volontaire du testament. Il en résulte que le testateur peut de son vivant annuler expressément ou tacitement un testament
Dans la seconde espèce, l’affaire se présentait de la manière suivante : Par testament olographe daté de novembre 1985, une personne a légué tous ses biens à une Fondation. Fin mars 1996, le testateur a cédé, avec son épouse la nue-propriété de divers immeubles leur appartenant à un couple. Les époux testateurs ont été placés sous tutelle fin 1998. Après leur décès, respectivement mi-novembre 2003 et fin septembre 2007, la Fondation a fait citer le couple en nullité des actes de vente pour insanité d’esprit.
La Cour de cassation a considéré que le légataire universel (ici la fondation) a qualité pour agir en nullité d’un acte à titre onéreux sur le fondement de l’article 489-1 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 5 mars 2007 (portant réforme de la protection juridique des majeurs), applicable en la cause. Il en résulte que les héritiers légaux ainsi que légataires universels ont qualité à agir pour faire annuler un testament sur le fondement de l’insanité d’esprit.
Sources : 1 ère Civ, 8 juillet 2015 n°14-18875 et 1re Civ, 8 juillet 2015, n°14-17768