« N’est héritier que celui qui jouit » Proverbe français
Une personne souscrit plusieurs contrats d’assurance-vie et désigne son frère comme bénéficiaire. Ce dernier accepte, ce qui rend l’attribution à titre gratuit irrévocable, en vertu des dispositions du Code des assurances. Toutefois, le bénéficiaire décède avant le souscripteur et donc l’exigibilité du capital ou de la rente. Au décès du souscripteur, un conflit naît entre les héritiers de ce dernier et les héritiers du bénéficiaire prédécédé.
Le capital ou la rente des contrats d’assurances-vie a-t-il été transmis dans le patrimoine du bénéficiaire du fait de son acceptation ou est-il resté dans le patrimoine du souscripteur du fait de la disparition du bénéficiaire au jour de leur exigibilité ?
La 2ème chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 10 septembre 2015 s’est prononcée sur la question.
Au visa des articles L132-9 et L132-11 du Code des assurances, elle a rappelé que l’attribution irrévocable est présumée faite, sous la condition de l’existence du bénéficiaire au jour de l’exigibilité du capital ou de la rente, c’est-à-dire au décès du souscripteur. Si tel n’est pas le cas, l’acceptation est caduque et le capital ou la rente garantie reste dans le patrimoine du souscripteur. Seule l’existence d’une clause d’attribution, affirmant expressément que le capital ou la rente sera transmis aux héritiers du bénéficiaire s’il prédécède, peut inverser la situation. En l’espèce, il n’existait aucune clause d’attribution, la Cour de cassation a donc jugé caduque l’acceptation par le bénéficiaire dans la mesure où il était décédé au jour de l’exigibilité du capital ou de la rente. Ces derniers sont donc restés dans le patrimoine du souscripteur.
Par ailleurs, les héritiers de la défunte, souscripteur, qui n’avaient pas la qualité d’héritier réservataire, ont formé une demande de rapport à succession des sommes versées au sein des contrats d’assurance-vie, au motif qu’elles seraient manifestement excessives. La Cour d’appel de Montpellier a rejeté leur demande au motif qu’ils n’avaient pas la qualité d’héritiers réservataires, et que l’action en rapport n’était réservée qu’à ces derniers. La Cour de cassation a cassé cette décision, au visa des articles 843 du Code civil et L132-13 alinéa 2 du Code des assurances, en affirmant que la qualité de réservataire était indifférente à l’obligation de rapport pesant sur tout héritier.
Amélie JOURDAN
Sources : www.legifrance.gouv.fr : Cass. 2ème civ. 10 sept. 2015 n°14-20017