La société à mission est une création de la loi PACTE du 22 mai 2019. Désormais, conformément à l’article 1835 du Code civil, toute société civile ou commerciale peut inclure dans ses statuts une raison d’être. C’est à ce titre qu’en juin 2020, Danone a adopté comme raison d’être « l’apport de la santé par l’alimentation au plus grand nombre », se fixant comme objectifs d’améliorer la santé, préserver la planète et renouveler ses ressources, la construction du futur avec ses équipes ou encore la promotion d’une croissance inclusive.
Pour les détracteurs des géants capitalistiques, le groupe aurait pourtant trahi son ambition lorsqu’Emmanuel Faber, directeur général et vice-président du conseil d’administration de la société anonyme au chiffre d’affaires 2019 évalué à 593 millions d’euros, a annoncé lasuppression de 2.000 postes administratifs, dont près de 500 en France. Toutefois, cet événement vient-il réellement en contresens de son aspiration originelle ?
La loi PACTE de 2019 ne consacre aucune sanction à la méconnaissance de la raison d’être, ce qui paraît tout à fait légitime étant donné qu’il serait complexe de punir la non-satisfaction d’un engagement aussi imprécis que « l’amélioration de la santé » par exemple. Nous pouvons, néanmoins, tout à fait imaginer qu’une transgression à cette raison d’être puisse constituer uneviolation des statuts, soit une cause d’engagement de la responsabilité de la société et/ou de ses dirigeants.
De plus, si une telle société présente une défaillance dans l’accomplissement de sa mission, le contrôle d’organismes tiers indépendants permettra de la mettre en lumière et donc de lui faire perdre cette qualité (selon l’article L.210-10 du code de commerce). Ainsi, il pourrait paraître justifié de sanctionner Danone pour avoir décidé de supprimer ces emplois alors que l’un de ses objectifs statutaires consiste en la « construction du futur avec ses équipes » ainsi qu’en la promesse de donner, à chacun de ses salariés « le pouvoir d’avoir un impact sur les décisions de l’entreprise ».
De son côté, le champion français de la R.S.E (Responsabilité Sociétale des Entreprises) explique cette mesure par le recul de sa marge opérationnelle, soit une baisse du cours de ses actions. Or, il ne semble pas, au regard des informations dont nous disposons, que la survie de l’entreprise ne soit remise en cause. Finalement, d’aucuns auraient l’impression que la performance extrafinancière a été abandonnée au profit de la performance économique.
Cependant, nous savons que les deux notions ne sont pas antinomiques. Conscients des risques réputationnels liés à l’éventuel échec de sa mission, la multinationale n’a pas omis de préciser que cette mesure de restructuration sera palliée par la mise en place d’un plan dit « Local First », soit une adaptation concrète de son modèle d’affaires à la crise du coronavirus, visant à instaurer une stratégie commerciale tournée vers le local. Autrement dit, c’est par la décentralisation que le groupe entend rénover son approche commerciale, privilégier la mise en place de circuits courts pour améliorer la qualité des produits, mais aussi – et surtout – leur rentabilité.
Reste à savoir si cette décision, fruit de la mise en balance de deux intérêts différents : la sauvegarde de l’emploi et la consommation locale, a pour vocation, sur le long-terme, à atteindre les objectifs visés par la raison d’être de l’entreprise, une déduction – au demeurant – précipitée de la performance de Danone vis-à-vis de ses engagements.Avocats Picovschi, compétent en droit des affaires depuis plus de 30 ans, suit pour vous l’actualité et ne manquera pas de vous tenir informés.