Une grève nationale interprofessionnelle a débuté depuis le 7 mars 2023 visant à s’opposer au projet de réforme des retraites, après déjà plusieurs journées de mobilisation en janvier et en février. Certaines professions essentielles au maintien de l’ordre public ou encore pour le bon fonctionnement de la société sont concernées.
Certains grévistes se sont vus dans l’obligation de reprendre leur poste malgré le fait qu’ils aient fait valoir leur droit de grève. C’est le cas notamment des éboueurs de la Ville de Paris depuis le jeudi 16 mars ou encore de raffineurs du dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer depuis le mardi 21 mars.
L’État a -t-il le droit d’empêcher les employés d’exercer leur droit de grève ? Quelle est la légalité de ces réquisitions ? Quels sont les risques si les salariés s’opposent à cette réquisition ?
La grève a été longtemps prohibée, jusqu’à une loi du 25 mai 1854. Cependant, celle-ci ne donne pas de définition de la grève, c’est la jurisprudence au fil du contentieux qui l’a défini comme ceci : « la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles ». Ce droit de grève à valeur constitutionnelle, est prévu dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, également présente dans la Constitution du 4 octobre 1958 : « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Toutefois, bien que le droit de grève ait valeur constitutionnelle, il n’est pas un droit absolu, la loi peut y apporter des restrictions.
Effectivement, dans le droit français, deux textes permettent en théorie la réquisition de salariés et donc de déroger à ce droit fondamental de grève.
D’abord, au regard de l’article L.1111-2 du Code de la défense, l’exécutif peut, par décret, mobiliser des personnes et des biens « en cas de menace portant notamment sur une partie du territoire, sur un secteur de la vie nationale ou sur une fraction de la population ». Cependant, ces conditions sont extrêmement limitatives.
Ensuite, l’article L.2215-1 du Code général des collectivités territoriales donne aussi pouvoir aux préfets, par arrêté, de « requérir toute personne nécessaire » lorsque « l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige ». Afin que cela puisse être effectif, les représentants de l’État doivent justifier d’une atteinte à l’ordre public, en précisant également les lieux, la durée et le nombre de travailleurs concernés par cette mesure.
Dans ce sens, en octobre 2010, lors d’une grève nationale ayant touché les raffineries françaises, la préfecture de Melun avait pris un arrêté pour réquisitionner des salariés grévistes d’une raffinerie. Le Tribunal administratif a été saisi en référé par l’intersyndicale gréviste, le juge avait suspendu la décision car il a été reproché au préfet d’avoir réquisitionné la « quasi-totalité du personnel » du site, ce qui avait eu pour effet « d’instaurer un service normal (…) et non le service minimum que requièrent les seules nécessités de l’ordre et de la sécurité publics ».
À l’inverse, dans une décision du Conseil d’État de 2010, il avait été admis la légalité de la réquisition de salariés grévistes dans les Yvelines, estimant que cette mesure peut être justifiée si elle est « proportionnée aux nécessités de l’ordre public ».
Notons ainsi que dans le cas où les salariés réquisitionnés rentreraient dans les conditions de dérogation au droit de grève, ceux qui refuseraient d’obtempérer encourent jusqu’à six mois de prison et 10 000 euros d’amende. Avocats Picovschi suit l’actualité afin de vous informer de vos droits.