Le coup de tonnerre a été retentissant : la loi sur le harcèlement sexuel a été déclaré inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel.
La vénérable juridiction dont le calme semblait inébranlable vient de faire son plus gros buzz. Et quel buzz ! Cette décision radicale a fait hurler les associations féministes qui considèrent que le conseil aurait pu agir autrement. A vrai dire, on peut les comprendre puisqu’elles voient un texte emblématique de la protection des femmes au travail annulé purement et simplement.Cependant, à lire les considérants de sa décision, on ne pourra pas lui donner tord.
L’article 222-33 du Code pénal qui a été annulé est l’exemple éclatant de la nocivité de l’activisme législatif. En l’espace de 10 ans, ce texte a été modifié 2 fois.
Une première fois par la loi du 22 juillet 1992 qui définissait le harcèlement sexuel comme « Le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ». La loi du 17 juin 1998 a donné une nouvelle définition de ce délit en substituant aux mots « en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes », les mots : « en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves ».
Précisant toujours plus la définition, ces deux réformes successives allaient dans le sens du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il s’agît de l’obligation pour le législateur de fixer le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis.
Une dernière loi du 17 janvier 2002 a modifié l’article 222-33 du Code pénal lui donnant une rédaction nettement plus évasive : « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
En tout cas, ce vide juridique ne devrait pas le rester très longtemps car François Hollande a déjà prévu de faire adopter une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel. Sauf qu’au passage, la décision vient tout simplement de ruiner les chances de succès de toutes les actions en cours.
Jérôme COHEN
Juriste – Attaché d’information