« Le devoir des juges est de rendre la justice ; leur métier, de la différer. Quelques-uns savent leur devoir, et font leur métier » (Jean de La Bruyère)
Dans trois arrêts rendus le 20 mai 2008, la Cour de cassation passe le relai à la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) concernant le fait de savoir si l’on peut condamner les moteurs de recherche et leur pratique consistant à vendre des mots-clés reproduisant des marques n’appartenant pas à leur acquéreur.
A l’instar d’un Alfred Hitchcock qui ne l’aurait pas reniée, la Cour de Cassation détient l’art de maintenir le suspense. La Cour suprême française avait été saisie suite à trois affaires retentissantes dans lesquelles le célèbre moteur de recherche Google avait vu sa responsabilité engagée à cause de son service Adwords, lequel permet d’acheter des mots clés aux enchères pour être bien référencé sur le site du moteur lorsque l’internaute tape le mot-clé en question. Or ce service avait rapidement été détourné par certains qui avaient acheté un mot-clé correspondant à une marque dont ils n’étaient pourtant pas titulaires.
Les Cour d’appel de Paris et de Versailles avaient été saisies par les titulaires des marques lésés (Louis Vuitton, Eurochallenges, Bourse des vols) afin de retenir la responsabilité de Google pour contrefaçon. Les juridictions d’appel avaient fait droit à leur demande, condamnant ainsi le moteur de recherche lequel s’est pourvu en cassation pour contester le bien fondé de ces décisions.
Deux moyens de défense sont invoqués par Google devant la Cour de cassation. D’une part, le moteur de recherche estime que le prestataire, proposant un service de référencement payant sur Internet, doit être considéré comme un fournisseur de stockage d’informations au sens de l’article 14 de la directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000. Si ce statut venait être reconnu à Google, ce dernier verrait sa responsabilité limitée.
Second argument mis en avant par Google : on ne peut pas considérer un fournisseur de service de référencement comme faisant un usage de la marque protégée, même si c’est lui qui suggère les mots clés. Si la Cour de cassation retenait ce moyen de défense, cela aurait permis au moteur de recherche de ne plus être condamné pour contrefaçon vu que l’une des conditions requises pour retenir ce fondement consiste en l’usage de la marque.
La décision de la Cour de cassation était très attendue pour mettre un terme à cette incertitude juridique mais les juges de la Cour Suprême n’ont pas souhaité prendre leur responsabilité renvoyant la balle à la CJCE pour résoudre le litige. La suite au prochain épisode de cette saga.
Alexandre RODRIGUES