Publié incognito dans le Journal Officiel du 1er juillet 2008, le fichier EDVIGE fait aujourd’hui beaucoup de vagues. Pourquoi ? Parce qu’il permet à la toute nouvelle Direction Centrale du Renseignement Intérieur, issue de la fusion de la DST et des RG, d’étendre la collecte d’informations, y compris pour… des enfants de 13 ans !
Auparavant les Renseignements Généraux ne fichaient que les militants politiques, syndicaux ou les personnalités jouant un rôle politique, économique, social ou religieux significatifs, à condition que ces informations soient nécessaires au gouvernement pour « apprécier la situation politique, économique et social » et « pour prévoir son évolution ».
Désormais, avec le décret du 27 juin 2008, il n’y a plus de limite pour la Direction Centrale de la Sécurité Publique (DCSP), qui se charge de la gestion du fichier Exploitation Documentaire et Valorisation de l’Information Générale (ou EDVIGE). Ce nouveau fichier permet en effet de recueillir « les données à caractère personnel » collectées sur « des individus, groupes, organisations et personnes morales […] susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ». L’intégration du terme « susceptible » laisse une large marge de manœuvre à la DSCP. Seront ainsi notamment concernés les personnes « ayant exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique » ou jouant « un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatifs ». Mais le gouvernement va plus loin encore puisqu’il permet d’inclure dans le fichier EDVIGE « les personnes physiques âgées de treize ans et plus ».
Quant au contenu des données recueillies pour le fichier EDVIGE, cela concernera non seulement les numéros de téléphone et adresses électroniques mais en plus « les signes physiques particuliers et objectifs » ainsi que le « comportement ». Et ces données peuvent être conservées indéfiniment.
On voit donc apparaître un fichier policier plus que contestable. En effet, le fichier EDVIGE pourra ficher toute personne ayant un engagement quelconque dans la vie de la Cité et cela sans limite. Pire encore : ce fichier pourra collecter des informations sur les mineurs de 13 ans et plus.
Ce qui est critiquable également, c’est la méthode employée par notre gouvernement pour la mise en œuvre de ce fichier. EDVIGE a été mis en place sans débat public préalable et il n’a été rendu public que suite aux pressions de la Commission Nationale Informatique et Libertés (Cnil). Et cette publication a été faite dans la plus grande discrétion.
On comprend mieux pourquoi ce fichier a provoqué une levée de bouclier. Tout d’abord, c’est la Cnil qui a manifesté sa désapprobation vis-à-vis du fichier EDVIGE alors qu’elle avait pourtant été consultée préalablement, comme le prévoit la loi Informatique et Liberté. La Cnil maintient notamment ses réserves sur la collecte de données relatives aux mineurs, et elle regrette également que la possibilité de collecter des informations relatives aux origines ethniques, à la santé ou à la vie sexuelle des personnes ne soient pas assorties de garanties suffisantes.
C’est justement la collecte de ces dernières informations (état de santé, orientation sexuelle…) qui a fait bondir plusieurs associations de défense des libertés. Ainsi, 250 organisations (Act Up, Attac, la CGT, le PS, le GISTI, APF…) se sont regroupées dans un collectif « Non à EDVIGE » pour réclamer son abandon. Ce collectif conteste la nature des informations collectées, craignant « un niveau de surveillance des citoyens disproportionné ». Un recours devant le Conseil d’Etat a été déposé par six organisations membres du Collectif, afin d’obtenir l’annulation du fichier EDVIGE. En attendant, une pétition circule actuellement sur Internet et elle a déjà recueilli plus de 35 000 signatures.
Enfin, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’égalité (Halde) a été saisie par 28 associations de défense des droits homosexuels qui dénoncent le fichage des homosexuels et de la santé.
Par conséquent, EDVIGE est un fichier policier qui est dangereux non seulement pour large champ d’application mais aussi pour la nature des données collectées. Mais attention, si vous lisez cet article, vous vous retrouverez peut être dans EDVIGE.
Souriez : vous êtes fiché !
Alexandre RODRIGUES