Un jugement du 17 juillet 2008, rendu par le TGI de Quimper, condamne un employeur pour avoir porté atteinte au secret de la correspondance privée d’un de ses salariés en ordonnant l’ouverture d’un courrier électronique qu’il savait personnel. Ce jugement marque un revirement face la récente jurisprudence, très sévère à l’encontre des salariés.
En pleine procédure disciplinaire, un salarié avait envoyé à un de ses collègues un courriel contenant à la fois des remarques d’ordre professionnel, en réponse à un mail envoyé par le destinataire, et des commentaires humoristiques sur le fonctionnement du service. Averti de l’existence de ce mail, le supérieur hiérarchique a ordonné au destinataire du courriel litigieux d’imprimer ce dernier afin qu’il puisse l’ajouter au dossier administratif de l’expéditeur.
La suite vous la connaissez : l’expéditeur du courriel litigieux a assigné en justice son supérieur hiérarchique pour violation du secret de sa correspondance privée.
Devant le TGI de Quimper, le supérieur hiérarchique s’est défendu en invoquant le fait que rien ne laissait penser que le courriel était personnel, ajoutant que l’objet « re-budget » faisait croire au contraire qu’il s’agissait d’un courrier électronique professionnel.
Néanmoins, le TGI de Quimper ne va pas retenir l’argumentation de la défense et va ainsi donner gain de cause au salarié en se fondant sur le fait que le courrier électronique comportait deux parties bien distinctes, la première étant professionnelle et la seconde ayant un objet personnel. De plus, les magistrats Bretons retiennent la mauvaise foi du supérieur hiérarchique s’appuyant sur le fait qu’il savait que le courrier électronique était personnel, avant même de le faire ouvrir.
Une décision qui marque le retour à une jurisprudence plus protectrice des salariés alors que pourtant la nouvelle tendance était plutôt à se montrer plus sévère à leur égard. En effet, si le célébrissime arrêt « Nikkon » de 2001 avait restreint l’accès de l’employeur à la boîte mail de son salarié, lui interdisant d’ouvrir un courrier électronique qui affiche un objet « personnel », la jurisprudence s’était montré par la suite plus nuancée au point de tout renverser en faveur de l’employeur. C’est ainsi qu’un arrêt « Technisoft », rendu le 18 octobre 2006 par la Chambre Sociale de la Cour de cassation, décidait que les fichiers et dossiers, crées par un salarié au travail, doivent être présumés avoir un caractère professionnel, sauf s’ils ont été identifiés par le salarié comme étant personnels.
Dans notre affaire, le supérieur hiérarchique croyait certainement que cette récente jurisprudence, plus favorable aux employeurs, s’appliquerait. Peine perdue : le jugement du 17 juillet 2008, rendu par le TGI de Quimper, marque un retour en force de la jurisprudence « Nikkon ».
Reste à savoir si cette décision sera validée par les juridictions supérieures, un appel ayant déjà été interjeté par le supérieur hiérarchique. Rien n’est moins sûr par les temps qui courent.
Alexandre RODRIGUES