Dans deux arrêts rendus les 22 mai et 23 juin 2008, la Cour d’appel de Rennes a décidé d’annuler la condamnation en première instance de deux internautes qui avaient recours au peer to peer. Deux arrêts qui portent un coup de massue aux sociétés de gestion des droits d’auteurs.
Deux internautes avaient été assignés en justice en 2005 par la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de Musique) et la SCPP (Société Civile des Producteurs Phonographiques) pour téléchargement illégal de musique au moyen d’un réseau peer to peer.
En première instance, les deux sociétés de gestion des droits d’auteurs avaient obtenu gain de cause. En effet, la Sacem était parvenue à faire condamner un internaute ayant mis à disposition 2 800 fichiers musicaux, via un réseau peer to peer. Devant le juge de première instance, l’internaute a ainsi été condamné à payer une amende de 2 000 euros, ainsi qu’à verser 1 695 euros à la Sacem pour préjudice moral.
Quant à la SCPP, elle a réussi à faire condamner à trois mois de prison avec sursis un internaute qui avait téléchargé l’équivalent de 121 CD musicaux, 255 films en DVD et 23 CD de clips musicaux.
Mais ces deux condamnations ont été annulées par la Cour d’appel de Rennes dans ses deux arrêts du 22 mai et du 23 juin 2008. Motif principal : les deux sociétés de gestion des droits d’auteurs ont collecté les adresses IP des internautes sans l’accord préalable de la Commission Nationale Informatique et Libertés (Cnil). La Sacem et la SCPP ont en effet collecté les adresses IP en 2005 alors qu’elles n’ont obtenu l’assentiment de la Cnil pour le faire qu’en décembre 2007.
Mais surtout, ces deux arrêts de la Cour d’appel de Rennes sont importants en ce qu’ils reconnaissent pour la première fois la qualité de donnée personnelle à une adresse IP. La Cour d’appel opère ici un revirement par rapport à la jurisprudence née de deux arrêts de la Cour d’appel de Paris, rendus en avril et mai 2007, dans lesquels les magistrats parisiens avaient considéré que l’adresse IP n’était pas une donnée personnelle.
Si ces deux arrêts de la Cour d’appel de Rennes vont faire plaisir à la Cnil qui avait vivement critiqué les arrêts de la Cour d’appel de Paris, il est moins certain que le gouvernement actuel soit satisfait de ces dernières décisions, à l’heure où un projet de loi de lutte contre le téléchargement illégal est prêt à être déposé devant le Parlement.
Alexandre RODRIGUES