La sentence arbitrale rendue le 11 juillet dernier, condamnant le Consortium de réalisation à verser à Bernard Tapie 285 millions (dont 45 pour préjudice moral), suscita déjà de vives polémiques. L’opposition parlementaire s’est emparée du dossier, et à sa demande, la commission des Finances de l’Assemblée Nationale auditionne depuis mercredi les protagonistes de l’affaire. A plusieurs égards, la sentence arbitrale soulèverait des controverses.
Le 9 octobre 2006, la Cour de cassation annule la décision de la Cour d’appel, qui avait condamné le CRD (organisme public chargé de liquider le passif du Crédit Lyonnais) à verser à l’homme d’affaires 145 millions d’euros.
Pourquoi l’affaire a-t-elle été renvoyée devant un tribunal arbitral ? Comme l’affirme Jean-François Rocchi (président du CDR), l’arrêt de la Cour de cassation de 2006 ne visait qu’une cassation partielle, ne mettant donc pas fin aux procédures. Or l’arbitrage était la solution la plus rapide afin de mettre un terme au dossier Adidas qui durait depuis 15 ans.
En outre, l’Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR), organe de tutelle du CRD, pouvait-il comparaître devant un tel tribunal ? D’après le président du CRD, « il n’y a pas de principe qui interdise à une filiale d’un établissement public de se porter à l’arbitrage ». Plusieurs arbitrages sont rendus avec des sociétés commerciales dont l’Etat est actionnaire. Le recours à un tribunal arbitral n’était donc en aucun cas illégal.
En effet, l’article 1447 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose que « Le compromis est la convention par laquelle les parties à un litige né soumettent celui-ci à l’arbitrage d’une ou plusieurs personnes ». Il s’agit donc d’une alternative à un procès soumis aux juridictions de l’Etat, par la désignation par les parties de personnes privées, afin de trancher leur litige. D’après l’article 1448 du NCPC, « le compromis doit, à peine de nullité, déterminer l’objet du litige.
Sous la même sanction, il doit soit désigner le ou les arbitres, soit prévoir les modalités de leur désignation.
Le compromis est caduc lorsqu’un arbitre qu’il désigne n’accepte pas la mission qui lui est confiée ». La procédure d’arbitrage est ainsi encadrée par les articles 1442 et suivants du NCPC.
La presse évoque également une violation de l’autorité de la chose jugée, de par le fait que la sentence arbitrale ne suivrait pas la ligne de l’arrêt rendu par la Cour de cassation. Mais tandis que cette dernière avait statué sur un problème de procédure, le tribunal arbitral a condamné le préjudice causé à Bernard Tapie par le Crédit Lyonnais. L’arrêt de la Cour de cassation n’a été que complété, et non pas contredit. D’autant plus que l’article 1474 du NCPC dispose que « L’arbitre tranche le litige conformément aux règles de droit […]».
En tout état de cause, la commission des Finances de l’Assemblée Nationale pourra peut-être dire si la saisine du tribunal arbitral a été régulière, mais en raison de « l’autorité de la chose jugée » (article 1476 du NCPC), ne pourra pas elle-même « rejuger » le dossier.
Christelle GIBON