Le Conseil National des barreaux vient d’engager un recours devant le Conseil d’Etat contre l’ordonnance transposant la 3ème directive anti-blanchiment. L’ordonnance du 30 janvier 2009, transposant la 3ème directive anti-blanchiment du 26 octobre 2005, a pour objectif la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme
Que prévoit l’ordonnance du 30 janvier 2009 ?
Obligation de vigilance
L’ordonnance soumet les avocats à une obligation de vigilance et d’identification du client et du bénéficiaire effectif de la relation d’affaire, de déclaration de soupçon et de communication à TRACFIN (cellule française de lutte anti-blanchiment) pour certaines activités de la profession et lorsqu’ils agissent en qualité de fiduciaire.
Les informations que l’avocat aura recueilli sur le client devront être conservées pendant 5 ans à compter de la cession des relations avec eux.
Déclaration de soupçon
L’ordonnance impose aux avocats de communiquer à la TRACFIN une déclaration de soupçon concernant des sommes ou des opérations qui pourraient avoir pour origine le trafic de stupéfiants, la fraude aux intérêts financiers des Communautés Européennes, les activités criminelles organisées, le produit de la corruption, ou qui pourraient participer au financement du terrorisme.
Les avocats seront exemptés de l’obligation de vigilance et la déclaration de soupçon pour leurs activités se rattachant à une procédure juridictionnelle, aux informations recueillies à l’occasion d’une consultation juridique, à moins que le client ne souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins de blanchiment de capitaux.
Procédure de contrôle interne
L’ordonnance, transposée dans le Code monétaire et financier, impose aux avocats de mettre en place des procédures écrites destinées à assurer une mise en œuvre efficace des préventions (création de systèmes d’évaluation et de gestion des risques de blanchiment et de financement du terrorisme, diffusion de procédures et d’informations régulières à l’ensemble des membres de leurs personnels concernés).
Par ailleurs, l’ordonnance prévoit que le Conseil de l’ordre pourra vérifier que les avocats respectent l’ensemble de leurs obligations. Si l’avocat ne respecte pas ses obligations, le bâtonnier informera le procureur général près la cour d’appel qui transmettra l’information à TRACFIN.
Quelles sont les revendications du CNB ?
Le CNB dénonce l’obligation de dénonciation pesant sur l’avocat en arguant que celle-ci est contraire aux valeurs essentielles de la profession. En effet, cette obligation menace les droits fondamentaux des citoyens, l’indépendance de l’avocat, le secret professionnel et la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client.
Les rapports de confiance entre l’avocat et son client sont primordiaux. La directive, et par voie de conséquence l’ordonnance de janvier 2009, remettent en cause ce lien fondamental. En effet, le client, s’il craint d’être dénoncé, ne pourra pas tout dire à son avocat. Ce dernier sera alors mal informé et ne pourra conseiller convenablement son client.
Le CNB reproche à l’ordonnance d’instaurer un dispositif difficilement applicable et encourage l’avocat à dissuader ou se retirer plutôt qu’à dénoncer.
En définitif, cette réaction du CNB illustre l’importance du respect du devoir de confidentialité aux yeux des avocats.
Reste à voir ce qu’en conclura le Conseil d’Etat.
Elisabeth GUELLE
Juriste en droit immobilier