« Il n’est point de secrets que le temps ne révèle », Jean Racine. Britannicus.
Le projet de loi de programmation militaire (LPM) qui a pour objet de prévoir les moyens des armées pour les 6 années à venir, le gouvernement ayant décidé de maintenir les crédits, sera débattu à l’Assemblée Nationale les lundi 8 et mardi 9 juin et les discussions parlementaires devraient être dominées par la polémique au sujet du « secret défense ».Le projet prévoit de durcir les règles en vigueur pour la protection du secret défense. Il existe en effet un véritable vide juridique puisque la loi ne prévoit pas par exemple le cas plus fréquent qu’on ne l’imagine, où des policiers ou un juge d’instruction tombent sur des documents classifiés lors d’une perquisition.C’est notamment cette question que le projet de loi entend solutionner : désormais, non seulement les documents seront protégés, mais les lieux les abritant seront eux aussi classés secret défense. Lorsqu’un magistrat autorisera une perquisition dans un lieu potentiellement protégé, il devra tout d’abord demander à la Chancellerie si l’endroit est déclaré comme « abritant un secret de la Défense nationale ».
Ces dispositions inquiètent beaucoup les syndicats de magistrats, qui voient en elles une « nouvelle étape dans la reprise en main des juges par le pouvoir politique »(selon l’Union syndicale des magistrats). Ces dispositions priveraient en effet les juges de tout un arsenal d’investigations et rendraient ces lieux comme les documents qu’ils contiennent, hors de portée de la justice.
Loin de nier la notion même de secret défense les magistrats souhaiteraient que l’extension de la protection aux lieux abritant les documents sensibles soit utilisée avec précaution et sous le contrôle d’une autorité indépendante du pouvoir exécutif.
Il faut préciser que ce projet de loi pâtit de la très forte médiatisation de plusieurs affaires qui ont ébranlés les milieux politiques et militaires et à la suite desquelles le projet a été élaboré : les frégates de Taïwan et l’affaire Clearstream notamment. Affaires qui n’auraient sans doute jamais vu le jour si de telles dispositions avaient été en vigueur…
Saisie pour avis sur le texte, la Commission des Lois a adopté plusieurs amendements visant à assouplir le projet et propose notamment que la décision de classification d’un lieu par le Premier ministre soit soumise à avis conforme du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale.
Cependant ces amendements ont été rejetés par la Commission de la Défense. Ce genre de contentieux entre deux Commissions est pour le moins surprenant et sera tranché dans l’hémicycle ces prochains jours…
Marion Deseille,
Juriste.