Après discussions et rebondissements, le projet de loi relatif aux droits d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information a été adopté par l’Assemblée Nationale le 21 mars par 296 voix contre 193.
Toutes les propositions du gouvernement ont été adoptées. Non seulement quatre nouvelles exceptions au droit d’auteur ont été adoptées dans l’article 1er bis du projet de loi. Elles seront ajoutées à l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle. Ces exceptions concernent la reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire ; la reproduction et la représentation par des personnes morales en vue d’une consultation strictement personnelle de l’œuvre par des personnes atteintes d’une déficience motrice, psychique, auditive ou visuelle ; les actes de reproduction spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des musées ou par des services d’archive, qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect; et la reproduction intégrale ou partielle, dans un but d’information, d’une oeuvre d’art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, lorsqu’il s’agit de rendre compte d’événements d’actualité.
Mais des dispositions concernent également les mesures anti-copie et le peer to peer.
S’agissant des mesures techniques de protection des œuvres, il a été prévu la création d’un collège de médiateurs dont l’objectif est de réguler les mesures techniques de protection. Ils pourront, notamment, prévoir qu’un certain nombre de copies sera autorisé par ces systèmes de protection.
Toutefois, l’arrêt de la Cour de Cassation du 28 février dernier a été pris en compte. Celle-ci estimait que la copie d’un DVD portait atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre sur le marché. La copie privée des DVD pourrait donc être fortement restreinte voire interdite. Le collège des médiateurs sera donc en droit d’empêcher ladite copie s’il estime l’interdiction nécessaire.
En outre des délits sont créés. Une amende de 3750 € est prévue pour celui qui arrive à contourner, neutraliser ou supprimer un mécanisme de protection, notamment par décodage ou décryptage.
Est puni de six mois d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, le fait de procurer ou proposer sciemment à autrui, directement ou indirectement, des moyens conçus ou spécialement adaptés pour porter atteinte à une mesure technique
On assiste donc à une régression du droit à la copie privée Il faut pourtant rappeler qu’une redevance sur les CD et DVD vierges est prélevée en contrepartie de ce droit à la copie privée. Doit-elle continuer à être prélevée alors même que la copie de DVD pourrait être interdite…
Le téléchargement illégal est également visé. Une amende de 38 euros est encourue par la personne qui sera prise en flagrant délit de téléchargement illégal, mais cette amende sera fixée à 150 euros en cas de mise à disposition du public de fichiers. Les modalités de ce système de sanction ne sont pas encore déterminées, mais cette amende pourrait s’appliquer pour chaque fichier téléchargé. De nombreux internautes pourraient donc être condamnés à de lourdes peines d’amende. Il semble que les fournisseurs d’accès devront communiquer les données des internautes contrevenants d’après leur adresse IP. En effet, les OPJ pourront constater les infractions, relever les adresses IP des délinquants puis en faire part au Procureur de la République qui réclamera les données personnelles dudit délinquant à son fournisseur d’accès.
Les éditeurs de logiciels de peer to peer sont eux aussi visés. En effet, un nouvel article devrait être inséré dans le code de propriété intellectuelle prévoyant que :
« Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende, le fait :
1° D’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un dispositif manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’oeuvres ou d’objets protégés ;
2° D’inciter sciemment, y compris à travers une annonce publicitaire, à l’usage d’un logiciel mentionné au 1°.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l’échange de fichiers ou d’objets non soumis à la rémunération du droit d’auteur. »
Non seulement la mise à disposition de tels logiciels est interdite, mais il est également prévu que serait punie pénalement toute personne qui inciterait sciemment, y compris à travers une annonce publicitaire, à l’usage de ces logiciels d’échange.
Les éditeurs de ce type de logiciels contestent de telles sanctions car, d’une part nombreux de ces logiciels sont licites, et d’autre part il est impossible pour eux de vérifier tout ce qui peut être mis à disposition et téléchargés sur de tels systèmes. Pour certains de telles dispositions vont à l’encontre des logiciels libres.
Il s’avère que malgré de telles contestations, le projet de loi a été adopté par les députés, ce sont maintenant les sénateurs qui doivent l’examiner.
Toutefois, certains députés mécontents et estimant que certains articles pourraient avoir des conséquences néfastes souhaitent saisir le Conseil Consitutionnel.
Maggy RICHARD
Cabinet d’avocats Gérard PICOVSCHI